Le rapport « Le Parc agro-industriel de Nkundi : Nouvelle débâcle ou nouveau départ » a été présenté le lundi 15 fevrier2021 devant la presse. Réalisé par les structures de la société civile, membres de la Coalition « Nos terres, notre héritage sacrée » dont fait partie la CONAPAC, ce rapport donne les résultats de l’étude menée du 24 au 27 mars 2020 dans quelques sites phares de l’agropole au territoire de LUOZI. En effet, le développement des parcs agro-industriels en République Démocratique du Congo est décrit comme une approche contre la pauvreté des producteurs agricoles locaux et de l’ensemble du pays. Cependant le parc pilote de Bukanga Lonzo en tant que premier parc agro industriel a échoué. Cela interpelle. Ainsi à partir de juin 2018, Oakland Institute et le Cercle pour la défense de l’environnement (CEDEN) ont effectué une recherche sur les résultats de ce premier parc sous la lumière de la politique agricole et du plan national d’investissement agricole. Les investigations ont confirmé que la gestion de la production et des intrants agricoles a été désastreuse. Le PAI Bukanga Lonzo a été une débâcle.
Malgré cela, le gouvernement a décidé de développer un autre PAI dans le site de Nkundi au Kongo Central, d’une superficie de 100.000 Ha, dans la vallée de Luala, à proximité de la frontière avec la République du Congo, dans le territoire de Luozi. Au vu des leçons tirées de la débâcle du PAI Bukanga Lonzo, pour la Coalition « Nos terres, notre héritage sacré », celui visé à Nkundi est apparu comme une opportunité de garantir la sécurisation des droits fonciers des paysans et d’augmenter les ressources devant élever l’agriculture familiale.
Dans ce rapport, les organisations de la Société civile de la RDC pour les investissements durables et responsables dans l’agriculture recommandent au Gouvernement, à la Banque Mondiale et aux partenaires techniques et financiers d’éviter le risque d’accaparement des terres coutumières ; d’être transparents et de partager l’information, d’améliorer le processus de gouvernance en prenant en compte les recommandations et observations des parties prenantes.
Après cette activité de publication, il est prévu un webinar à organiser par Oakland Institut le 25 février courant. La CONAPAC qui fait partie de la coalition, a au cours de cette rencontre avec les medias, présenté sa position reprise in extenso ci-dessous :
Dans le cadre de la matérialisation de la charte signée par le gouvernement Congolais, pour le Programme Détaillé pour le Développement de l’Agriculture en Afrique « PDDAA », un Plan National d’Investissement Agricole a été élaboré par le Gouvernement pour le développement du secteur agricole en RDC.
Dans ce document, la vision du Gouvernement consiste à redynamiser la structure productive du monde rural axée sur le développement d’une production agro-industrielle moderne et sur le renforcement des petits exploitants, tout en assurant la conservation des ressources naturelles du pays. Cette vision se matérialise à travers la Stratégie Sectorielle de l’Agriculture et du Développement Rural (SSADR) adoptée en avril 2010 qui se décline comme suit : (i) améliorer l’accès aux marchés et aux infrastructures rurales ainsi que les capacités commerciales, (ii) développer la production végétale, animale, halieutique et artisanale, (iii) renforcer la gouvernance ainsi que les capacités institutionnelles et des ressources humaines et, (iv) organiser le monde rural en structures auto gérées et assurer le financement du secteur.
Les autorités visent ainsi un développement agricole durable, susceptible de sauvegarder le patrimoine productif, lequel constitue le socle de la relance de l’économie nationale. A cet égard, les objectifs spécifiques suivants sont visés: (i) améliorer l’accès aux marchés et la valeur ajoutée des productions agricoles, (ii) améliorer la productivité du secteur agricole: production vivrière, horticole et légumière, halieutique et d’élevage; (iii) promouvoir des systèmes financiers décentralisés qui s’adaptent à la nature des activités du secteur agricole et (iv) renforcer les capacités techniques et organisationnelles des institutions publiques et privées d’appui à la production.
Nous voyons là que les intentions du gouvernement paraissent être bonnes, mais ce qui se fait en réalité sur terrain ne va pas dans le sens de cette vision qui est ici développée.
Un accaparement des terres qui ne dit pas son nom
Ce qui se constate sur terrain est que le gouvernement Congolais a plus privilégié l’agro-industrie au détriment de l’appui aux petits producteurs comme stipulé dans cette vision reprise dans le document du PNIA à savoir : le développement d’une production agro-industrielle moderne et sur le renforcement des petits exploitants.
Pour comprendre cela, le gouvernement Congolais a prévu l’installation de 22 Parcs Agro-Industriels à travers le pays et le premier avait commencé par le PAI de Bukanga Lonzo qui est, aujourd’hui, reconnu par tous comme un échec notoire.
Fort malheureusement aucune leçon n’a été tirée de l’implantation du PAI de Bukanga Lonzo, dont tous à l’unanimité ont reconnu l’échec et ceci a été confirmée par une récente étude publiée par la Coalition Oakland Institute et CEDEN.
– De ne pas transformer les paysans en ouvriers agricoles pour les agences du portefeuille comme la SOCODAK à qui la gestion des PAI est confiée ;
Aujourd’hui il est question du PAI de Nkundi où l’on observe une similitude avec le PAI Bukanga Lonzo dans son implantation car suivant le même chemin que Bukanga Lonzo.
L’étude qui vient d’être conduite au site de Nkundi par l’équipe de CEDEN et qui est présentée aujourd’hui, a pu démontrer qu’il ne s’agit là que d’une forme d’accaparement de terres organisé : 100.000 Ha de terres ont été arrachés aux paysans en utilisant une sorte d’astuces ayant arraché les signatures aux Chefs terriens. Avec promesse de créer de l’emploi pour ces paysans, ce qui n’est pas du tout aussi vrai car l’Entreprise dénommée « Société Congolaise de Développement de l’Agropole de N’Kundi », en sigle SOCODAK, qui sera chargée de gérer le foncier n’est pas à mesure d’embaucher tous les paysans dépossédés. En plus comment imaginer que l’entreprise va créer de l’emploi alors qu’il y a aussi des personnes âgées que l’Entreprise ne saura engager et qui sont censés vivre sur leurs terres.
Les PAI, opportunité ou menace pour l’agriculture familiale,
Les paysans ne doivent pas être transformés en ouvriers agricoles
Loin de nous l’idée de réfuter les investissements prônés par le Gouvernement à travers le financement de l’agro-industrie, mais ce qui est déploré ici se trouve au niveau des approches qui sont utilisées dans la conduite de PAI qui ne sont pas de nature à favoriser le développement des producteurs agricoles dans les sites, par contre viennent contribuer à leur appauvrissement en leur arrachant les terres, les réduisant à des simples ouvriers agricoles en excluant d’ailleurs une bonne partie de la population.
Les PAI qui devraient être des opportunités de développement, sont devenus plutôt de freins au développement de petits producteurs dans les sites d’implantation des PAI.
Il existe cependant des approches que nous préconisons et qui peuvent appuyer le gouvernement à réaliser sa vision à travers un bon accompagnement de paysans pour leur développement.
Ainsi nous lançons un appel au gouvernement Congolais et ses partenaires Techniques et Financiers qui l’accompagnent (Banque Mondiale, BAD…) de revoir ses approches pour le développement du secteur de l’agriculture qui est un levier important pour la lutte contre la pauvreté et pour l’atteinte des ODD pour que la mise en œuvre de nouveaux parcs agro-industriels soient un nouveau départ plutôt qu’une nouvelle débâcle.
Nous demandons au Gouvernement Congolais et ses partenaires traditionnels ce qui suit :
– De favoriser l’utilisation des modèles de gestion qui favoriseraient le développement des paysans sur leur terroir ;
– D’éviter de favoriser un accaparement de terres des paysans sous une forme camouflée ;
Fait à Kinshasa, le 15 février 2021
– De faire de ces sites de véritables pôles de développement qui seront un grand marché pour les communautés vivant dans et autour de ces sites,
– De privilégier l’approche CLIP qui consiste à donner une bonne information aux communautés afin que leur consentement soit basé sur une bonne connaissance du problème.
More Stories
Loi foncière : les productrices et producteurs agricoles de la CONAPAC s’accrochent à leurs principales préoccupations non discutables
FESTAL: La CONAPAC fait la promotion du « Consommons congolais »
Les producteurs agricoles de la CONAPAC formés sur la construction de résilience au changement climatique